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Intégration par les mouvements oculaires et raisonnement clinique infirmier
La boîte à outils aujourd’hui de l’infirmier ne cesse de s’élargir tout en répondant aux nouvelles recommandations de développement des thérapeutiques et interventions non médicamenteuses(1).
La Haute Autorité de Santé (HAS) préconise ces méthodes non médicamenteuses de manière thérapeutique dans certains contextes(2). Ces dernières années, l’usage de ces thérapeutiques prend une place importante dans la pratique infirmière.
Tout comme l’hypnose, l’intégration par les mouvements oculaires entre dans les interventions non médicamenteuses définies par l’HAS. Sa pratique est fondée sur un raisonnement clinique infirmier qui cible la problématique de santé et les objectifs thérapeutiques orientant vers une intervention spécifique d’Intégration par les Mouvements Oculaires (IMO).
L’Intégration par les Mouvements Oculaires
La technique d’Intégration par les Mouvements Oculaires s’appuie sur les travaux de STEVE ANDREAS et son épouse CONNIRAE ANDREAS (1989). C’est en 1993 que DANIE BEAULIEU apprend la méthode et développe sa compréhension, d’autres apports tels que la PNL (Programmation Neuro-Linguistique) et d’autres thérapies basées sur le mouvement oculaire EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) développé par FRANCINE SHAPIRO permettra d’enrichir la méthode que l’on connait actuellement.
Les mouvements oculaires
L’IMO utilise les mouvements oculaires pour accéder aux ressources. Les mouvements oculaires sont une fonctionnalité exploitée par notre cerveau pour intégrer les informations. Pour DANIE BEAULIEU « Les mouvements oculaires sont donc directement reliés au fonctionnement cérébral et peuvent servir d’intermédiaire pour réactiver les ressources multisensorielles qui ont été court-circuitées lors d’une situation difficile »(3), on peut parler ainsi d’une véritable intervention neuropsychique non médicamenteuse s’inscrivant dans une pratique des thérapies brèves.
Le raisonnement clinique infirmier
Il n’existe pas une définition retenue du raisonnement clinique infirmier mais il en existe plusieurs selon les auteurs. Notons également que dans la littérature scientifique en soins infirmiers on retrouve plusieurs terminologies pour évoquer ce raisonnement, on retrouve « le jugement clinique, la résolution de problème, le processus décisionnel etc. ».
HARRIS(4), en 1993, propose comme définition du raisonnement clinique « les processus de pensée et de prise de décision qui permettent au clinicien de prendre les mesures les plus appropriées dans un contexte précis de résolution de problèmes ». Cette définition s’applique pour le raisonnement que l’infirmier devra mettre en place pour élaborer son raisonnement clinique spécifique infirmier. Au Québec, l’Ordre des infirmiers (OIIQ) a d’ailleurs retenu cette définition.
Le jugement clinique
Source : https://infdepoche.com/jugement-clinique
De l’entretien infirmier à la séance d’IMO
Le recueil de données constitue une étape importante pour débuter la rencontre et cartographier la problématique du patient. Cette étape indispensable permet l’évaluation clinique de son patient, ce recueil de données doit s’avérer minutieux et doit permettre d’entrevoir si une indication d’IMO est recommandée.
Les contre-indications telles que d’éventuels problèmes oculaires mais aussi certaines conditions psychologiques comme une clinique psychiatrique décompensée doivent être recherchées.
Ce premier temps d’investigation ne doit pas être négligé, une topographie de la vie actuelle ainsi que l’étiologie de la problématique amenée du patient doivent aussi être scrupuleusement recherchées pour sécuriser l’intervention de travail. C’est une évaluation clinique approfondie qui est réalisée avant de débuter un protocole spécifique individualisé d’IMO.
Une phase préalable de stabilisation et de sécurisation est parfois nécessaire et mise en place avant le début de traitement d’IMO, l’hypnose est souvent utilisée pendant cette phase préalable. Notons également que l’hypnose est aussi parfois utilisée après l’intervention d’IMO pour ancrage des nouveaux encodages neurologiques.
IMO et éthique
Dans leur pratique, les infirmiers guident les interventions sur l’éthique du soin en questionnant les choix thérapeutiques raisonnés et singuliers. La technique d’IMO proposée par un infirmier s’inscrit dans ce processus de réflexion comme pour le choix d’autres méthodes psychocorporelles.
A l’hôpital, cette technique est proposée souvent dans le cadre d’une réflexion pluridisciplinaire où l’indication est posée par une équipe puis dispensée par un infirmier formé à cette technique.
Il n’existe pas de réglementation autour de cette pratique tout comme pour l’hypnose, mais depuis 2016, le code de déontologie infirmier(5) vient renforcer l’éthique de la pratique infirmière ; en effet, le champ des compétences des infirmiers s’est considérablement élargi ces dernières années.
Conclusion
L’IMO est une technique neuropsychique non médicamenteuse qui propose un outil complémentaire accessible à la pratique infirmière au profit des patients. Ses indications sont reconnues dans la prise en charge des psycho-traumatismes, mais celles-ci peuvent être élargies à toutes expériences qui continuent à porter une empreinte négative et récurrente pour le patient dans un de ses systèmes sensoriels (Auditif, Visuel, Kinesthésique, Olfactif ou Gustatif) ou sur les plans cognitifs ou émotionnels.
Enfin, le raisonnement clinique infirmier est une garantie d’une pratique bienveillante, réflexive et en responsabilité.
Cyril GEORGES
Infirmier en Soins Généraux
Formation Institut UTHyL
Nancy 2018/2021
Références
1 Haute Autorité de Santé - Changer le regard sur les thérapeutiques non médicamenteuses (has-sante.fr) 23 juin 2011
2 Haute Autorité de Santé - Développement de la prescription de thérapeutiques non médicamenteuses validées (has-sante.fr)
3 IMO, Danie Beaulieu, Ph. D Disponible sur « IMO (academieimpact.com)
4 Harris, I. « New expectations for professional competence », in L. Curry et J.F. Wergin, Educating Professionals Responding to New Expectations for Competence and Accountability, San Francisco, Jossey–Bath, 1993, p. 17-52
5 Article L.4312-1 du Code de la santé publique (introduit par la loi n°2006-1668 du 21 décembre 2006)